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Union Internationale de la Marionnette

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Message International de Michael Meschke – 21 mars 2006

Dernière modification: 27-01-2017

Michael MeschkeJ’écris ce message à mon retour de Banda Aceh, Sumatra, Indonésie, où, le matin ensoleillé du 26 décembre 2004, la catastrophe tsunami a battu au plus fort. Cent vingt-six mille morts en quelques minutes, submergés d’un coup, partout, même là où je mets les pieds. Dans les visages des survivants est inscrite une noire désolation qui crève le cœur.

Avec quelques marionnettes dans une valise, j’étais venu pour essayer de distraire un peu les orphelins perdus errant jusqu’au genoux dans des puits d’eau salée et empoisonnée qui refuse de partir. J’aurais mieux fait de porter des briques avec les ouvriers en sueur qui, partout, remontent les murs des maisons déchirés, si mes soixante-quinze ans me l’avaient permis.

Devant les soucis créés aux victimes par de forces naturelles d’une telle envergure, les marionnettes sont restées dans leur valise.

Voilà en concentré l’impuissance de nos instruments.

Cependant, d’autres forces destructrices, celles des hommes, ne permettent pas de défaitisme. Après chaque conflit sanglant, l’homme paraît réclamer une autre crise. De pire en pire, il ne peut s’abstenir de se balancer sur le fil tendu de la menace nucléaire ultime, comme si cela était inscrit dans sa condition humaine. Nous sommes tous touchés.

En cette année 2006, l’humanité court vers la polarisation de plus en plus poussée entre les fondamentalismes divers, à l’Est comme à l’Ouest, à gauche comme à droite. La méthode: salir ce qui est cher à l’autre, que ce soit l’islam, la liberté d’expression, la dignité humaine, ou d’autres valeurs essentielles.

La marionnette dans tout cela semble bien risible. Elle fait rire, mais pas dans le sens traditionnel, en réjouissant son public : plutôt par son impuissance.

Et pourtant, cette impuissance est la véritable force de la marionnette. Car elle fait partie de ce « malgré tout » sans quoi l’humanité aurait péri depuis longtemps.

Les temps changent. Le marionnettiste, qui jadis voulait sauver le monde est heureux aujourd’hui s’il peut vivre de son travail. Soyons donc modestes, sans pour autant céder au défaitisme : faisons jouer nos marionnettes parce que c’est ce que nous savons faire, parce que nous chérissons le privilège d’avoir comme métier ce que nous aimons le plus – et parce que cela continue et continuera à nous récompenser par les émotions que nous suscitons dans tant de cœurs.

Michael Meschke


Michael Meschke

Né le 14 juillet 1931 à Danzig Allemagne (aujourd’hui Gdansk – Pologne). En 1939, à l’installation du Gouvernement Nazi en Allemagne, il s’exile avec sa famille en Suède.
Sa première mise en scène fut réalisée à 18 ans et fut la farce médiévale de Mäster Pathelin. Il fait des études, entre autres avec Harro Siegel, à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Braunschweig. Fondateur et directeur du Marionetteatern à Stockholm, Il a était président de l’UNIMA de 1976 à 1988.

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