En vérité très exacte et non point par métaphore,
Nous sommes des marionnettes dont le ciel est le montreur :
Sur le théâtre du temps nous faisons trois petits tours,
Puis retombons tour à tour dans la boite du néant.
Rubayat, Omar Khayam
Ce thème propose plusieurs dimensions toutes essentielles, pour qu’il y ait manifestation de vie, et bien plus manifestation de vivants. Cette dimension météorologique révèle bien plus cette question des éléments du temps, du temps matériel, du temps du cycle des choses et de la nature, des âges et des époques, et même de périodes à plus ou moins grandes échelles. Le rythme n’est jamais très loin du corps, la musique n’est jamais très loin du silence. Les éléments nous impriment dans cette inscription de la trace. La Nature est elle-même une création qui se renouvelle mais aussi sans cesse menacée, car le temps peut représenter une illusion tout autant aussi une source. Le temps bascule, le temps se brise, le temps assèche. Même dans le désert, la vie reprend terreau. Le vivant se cache pour mieux apparaître au moment le plus propice pour relancer le cercle et cette roue un peu folle des journées – le mouvement est désir du geste. Devons-nous redevenir insecte, taupe, reptile, oiseau et même mammifère ?
Comment penser les océans (Journée Mondiale de la Marionnette en 2021) et les forêts (Journée Mondiale de la Marionnette en 2023) sans cette dimension du temps qu’il fait, comment penser les intempéries, les catastrophes climatiques, les ouragans, les incendies comme les sécheresses, comment donner image de ce qui paraît comme condition élémentaire ? La chaleur et le froid, la gravitation planétaire, la lumière du jour, ou tout simplement cette douce musique des éléments et de cette probabilité, la plus aléatoire et la plus hasardeuse. Il y a un moment où tout se joue et tout commence, ce moment de commencement et de genèse, qui donne sens au geste et au spectacle de la Nature. La signifiance n’est jamais aussi proche de la matière la plus brute, car la matière s’éveille à ce qui la dépasse. Le cycle laisse libre cours à des compositions, aux gestes et à des séquences souvent les mêmes mais jamais identiques. Les hommes ne seraient-ils que des pantins sur une scène qui nous dépassent ? L’histoire ne serait-elle qu’un mécanisme dont le sens nous échapperait ou que nous souhaiterions toujours déterminer, car l’abyme nous guette depuis le commencement.
Nous sommes à une lisière, celle de l’irréversible. Que se passe -t-il lorsque le maître ne maîtrise plus les conditions de sa maîtrise ? Que se passe-t-il lorsque la réalité n’est plus qu’un espoir ? Chaque jour renvoie l’image d’une éternité dans un miroir bien fragile. Le théâtre n’a de sens que parce qu’il est chaque fois métaphysique et ne l’est jamais vraiment. L’humanité n’est qu’une fragilité perfectible, qui s’inscrit dans de multiples cycles jusqu’à croire qu’il y aura toujours cette ritournelle, et que le monde connaîtra toujours un lendemain. La contradiction est passage, mais pourrons-nous toujours la sauvegarder, et pourrons-nous toujours aussi la traverser ? Le pire n’est-il jamais certain ? L’Homme n’est-il peut-être qu’une araignée qui ne tisse qu’une toile qui, un jour, se figera lors d’un hiver trop froid auquel il ne pourra résister ? Le théâtre est musique, et d’autant plus le théâtre de marionnettes qui jouent de ses instruments les plus variés.
Pensons à l’avenir, à notre avenir, à l’avenir de nos enfants ! Créons pour comprendre et inventer les liens avec notre futur. Le thème du « climat » est un thème multiple qui découvre, un thème qui compose les Quatre Saisons, un thème qui danse et joue de toutes les matières et de toutes les formes, un thème qui ouvre l’imaginaire d’aujourd’hui, du corps, de la musique et de tous les éléments qui font que nous souffrons, mais que nous pouvons aussi nous émerveiller d’une nature généreuse. Créons notre avenir avec notre art de la marionnette !
Dimitri Jageneau
Secrétaire général de l’UNIMA International